JEUX INTERDITS… Papa a dit non!
Vrai Nom : Geneviève Marie Jeannine Josette
Gourguet
ACTRICE
Je suis née entre deux
bombardements ! Je suis la fille de Jean Marie GOURGUET, cinéaste. Ma mère
s'appelait Michelle DARVAUX. Elle était Normalienne de Dijon quand elle a
rencontré mon père durant le tournage de «Jeannette BOURGOGNE» (film commandité
par l’Education Nationale). Aussitôt, ce fût le coup de foudre et ils ne se
sont plus quittés. Avant ma naissance, Maman était aussi journaliste au
magazine «ELLE», puis devient ensuite la co-scénariste et assistante de mon
père.
J'ai aussi un frère, Jean-Michel
GOURGUET, né en 1947, qui a figuré dans «UNE ENFANT DANS LA TOURMENTE», «LA
FILLE PERDUE» (où il était ma doublure) et «MATERNITE CLANDESTINE».
Dès les premiers mois de ma
vie, mon père me fait faire mes premiers pas au cinéma, au sens propre comme au
figuré ! Il me trouve photogénique et naturelle devant la caméra. Peu à
peu, et par défaut car n’ayant pas trouvé au cours des auditions de petites
filles lui donnant satisfaction, il me fait tourner des petits rôles. Le couple
père-fille fonctionnant bien, je deviens sa « petite interprète
favorite » et attitrée. Il écrit alors des rôles spécialement conçus pour
moi.
René CLEMENT, ancien assistant
et ami de mon père, décide alors de me confier le rôle de «JEUX INTERDITS»,
étant donné les qualités décrites plus haut et mon expérience
cinématographique. Mais mon père, très protecteur, et malgré l’insistance persistante
de René CLEMENT, refuse de me « prêter » à ce dernier qui choisira
alors une petite fille qui me ressemble beaucoup à l’époque: Brigitte FOSSEY.
Entrevoyant l'opportunité
d’échapper à la sévérité paternelle et de vivre un peu ma vie, j'en ressens une
grande déception (intuition du succès futur de ce film ?) et malgré mes
larmes je ne suis pas arrivée à faire revenir mon père sur sa décision.
Des offres du cinéma américain
pour mon père et moi-même sont également refusées car il veut me protéger (et
lui-même aussi). Il craint le système industriel américain et ne veut pas
renoncer à la liberté de son statut d’indépendant.
Je fais d’abord mes études au Cours
HATTEMER (comme Brigitte BARDOT à quelques classes d'intervalle, ainsi que
notre actuel Président Jacques CHIRAC) en essayant d’alterner cours, tournages
et obligations professionnelles. Mais
cela devenant trop contraignant, mon père décide de me faire faire une pause de
quelques années pour me permettre de me consacrer uniquement à mes études. Il
reste marqué par les années de galère qu’il a vécues - ou qu’il a vu vivre par
bien des acteurs - et veut que je puisse avoir une alternative autre que le
cinéma pour gagner ma vie.
L'éloignement des plateaux de
cinéma se passe difficilement. Après une carrière d’enfant de cinéma de
plusieurs années, la page est tournée, non sans difficulté. Je dois reprendre
une vie d’enfant de mon âge ce qui est un choc sur beaucoup de plans car côtoyer
la vie professionnelle si jeune m'a donné une quasi maturité d’adulte. Finie la
vie d’artiste…
Mon dernier film est «LA FILLE PERDUE»
en 1953 avec Claudine DUPUIS.
A l’âge adulte, je n’irai pas
dans la classe de Georges CHAMARAT au Conservatoire, comme celui-ci le
proposait avec pourtant, cette fois-ci,
la bénédiction paternelle.
Pendant des années, j'ai volontairement caché l’existence de ma
«première vie», sauf à quelques très rares exceptions. Je suis donc ma propre
voie, non sans parfois quelques affrontements et froids avec mon père,
étant dotés tous deux d’une forte personnalité.
Je me marie et j'aurai trois
enfants et à présent un petit fils.
Le bilan de ces années de tournage : un grand respect du métier
d’acteur, difficile et parfois ingrat et du «sang de cinéma» dans mes veines.
Beaucoup de bons souvenirs avec plusieurs «mères de cinéma» avec lesquelles les
liens affectifs ont été très forts : Blanchette Brunoy, Claudine Dupuis
(qui avait proposé de «m’adopter» au grand dam de ma vraie mère qui avait
répondu sèchement que sa fille n’était pas abandonnée), Suzanne Grey, Perette
Souplex ainsi que des acteurs tels Georges Chamarat, Grégoire Aslan, Pierre
Louis, Jean Clarieux, etc.
L’équipe technique fidèle de
Jean GOURGUET est une seconde famille (le caméraman Charles-Henri MONTEL, le chef
opérateur «Papa HUGO», le photographe H. CARRUEL, le régisseur M. CAUDRELIER et
sa femme Lilly, habilleuse, la scripte Suzanne FAYE et tant d’autres).
Des admirateurs, souvent
fidèles, me comblaient de cadeaux (jolies poupées, livres…), voire même, lors
des tournées de galas en province, me glissaient dans mes poches et à mon insu,
de petits billets pendant je signais des autographes, me pensant peut-être
aussi malheureuse dans la vie qu’au cinéma.
Michelle GOURGUET, ma mère, co-scénariste,
devenue première assistante, était toujours présente sur le plateau mais n’avait
guère de temps à consacrer à sa progéniture en qui elle avait une grande
confiance. Travail oblige, ce qui me laissait beaucoup de liberté…
De moins bons souvenirs: dans
les mélos, je suis souvent battue ou malmenée et reçois un certain nombre de
claques. Quelle angoisse quand il y a plusieurs prises...
Sur le plateau, mon père veut
que je me comporte en adulte, comme les autres acteurs, et que je l’appelle
«Monsieur» ce qui n’était pas évident. On ne doit pas savoir qu’il est mon
père, ce qui était un secret de Polichinelle! Aucun passe-droit et pas le droit
à l’erreur.
Je ne voudrais pas oublier mon
super partenaire et acteur chien-loup, GUNDO, grand complice à la dent un peu
facile (il m'avait mordue accidentellement à la joue pendant le tournage des
«ORPHELINS DE SAINT-VAAST» à ARRAS. J'avais été hospitalisée quelques jours.
Lors de mon retour sur le plateau, le
caméraman dû faire des prouesses pour qu’on ne voie pas le côté du visage
blessé en le prenant de profil ou de trois quarts avec une lumière adaptée).
De douleur, mon père voulu abattre
le chien mais je l'ai supplié de n’en rien faire. GUNDO, à partir de cet
accident, m'a voué un attachement hors du commun, partageant ma vie jusqu’à sa
mort en me veillant jalousement.
Ce chien, «acteur» hors du
commun, tourna dans plusieurs films (on le surnomme souvent, à l’époque, le
«RINTINTIN français»). Il connaît son rôle et est capable de «rejouer» sa scène
autant de fois que les prises l'exigent. Il lui arrive fréquemment de se
faire applaudir par l’équipe de tournage. Il a été acheté et dressé par mon
père lui-même avec la supervision de grands dresseurs de l’époque pour les
besoins d’un film mais ce dernier ne pu se résoudre à s’en séparer à l’issue du
tournage.
On a parfois, à cette époque,
raillé mon père en parlant du « cirque GOURGUET » avec son épouse, sa
fille, parfois son fils et son chien. Ce qui ne le vexait pas car, disait-il,
il admirait les gens de cirque qui sont de vrais professionnels, qui
travaillent dans l’ombre et qui ont cela «dans le sang».
Le souhait de la « petite
ZIZI » d'aujourd’hui: continuer l’effort entrepris depuis la mort de mon
père pour réhabiliter son œuvre en tant que metteur en scène et producteur,
scénariste, poète, afin que la mémoire du cinéma soit exhaustive et qu’il reste
inscrit à jamais dans la mémoire du cinéma.
C’est un devoir de
transmission et de partage de sa connaissance pour un cinéaste qui laisse une
œuvre conséquente constituant aujourd’hui un témoignage sur son époque. De
plus, il fut un précurseur en tournant dès 1928 «LE RAYON DE SOLEIL», en
extérieurs, caméra au poing pour plus de réalisme, ce qui techniquement à
l’époque était exceptionnel et pas toujours évident.
©
Geneviève COSTOVICI-GOURGUET pour les Gens du Cinéma (26/07/2004)
Sous le nom de la petite Zizi :
1942 – Jeux d’enfants : de Jean
Gourguet – Court Métrage –
1944 – L’enfant et les bêtes : de
Jean Gourguet – Court Métrage –
1946 – Le pavillon de la folle : de
Jean Gourguet – Moyen Métrage –
avec
René Genin
1947 – La neige du coucou : de Jean
Gourguet – Moyen Métrage –
avec
Albert Parrain
1948 – Les orphelins de
Saint-Vaast : de Jean Gourguet
avec
Georges Chamarat, Suzanne Grey
1949 - Zone frontière : de Jean
Gourguet
avec
Alexandre Rignault, Suzanne Grey, Perrette Souplex
1950 – Trafic sur les dunes : de
Jean Gourguet
avec
Pierre-Louis, Suzy Prim, Lucas Gridoux, Jacques Faber, Jean Clarieux
1951 – Une enfant dans la tourmente /
L’enfant dans la tourmente : de Jean Gourguet
avec
Blanchette Brunoy, Gérard Landry, Grégoire Aslan, Jean Clarieux
1952 – Le secret d’une mère : de
Jean Gourguet
avec
Blanchette Brunoy, Grégoire Aslan, Jane Marken, André Le Gall
Sous le nom de Zizi Saint-Clair :
1953 – La fille perdue : de Jean
Gourguet
avec
Claudine Dupuis, Gérard Landry, Robert Berry, Dora Doll, André Roanne
ã Jean-Pascal CONSTANTIN pour Les Gens du Cinéma (Mise à jour 26/07/2004)